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15/04/2008

Obama, un nouveau modèle de leadership pour notre époque (1) Diriger par l'exemple

Vous pouvez également consulter cet article sur nonfiction, le portail des livres et des idées, dans la rubrique "actualité des idées".
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Est-ce l’effet d’un nouveau sortilège démocratique orchestré par ses stratèges, ou bien assiste-t-on réellement, avec la montée en puissance de Barack Obama, à l’émergence d’un nouveau type de leadership ? A en croire les progrès spectaculaires et constants enregistrés par le sénateur de l’Illinois de vote en caucus, une nouvelle manière, convaincante, de faire de la politique – et même, chez les plus jeunes, de donner envie d’en faire –, est bien en train de s’affirmer aux Etats-Unis en brouillant les lignes des catégories si familières aux Américains. Sur l’ensemble des questions qui se posent avec acuité à la société américaine : récession, guerre en Irak, immigration, éducation qui, toutes, se rapportent en fin de compte à la pertinence actuelle et future du « rêve américain » pour les gens ordinaires, Barack Obama convainc autant par un discours qui sonne juste que par un pragmatisme qui rassemble.

De quoi est fait ce nouveau leadership ?

Contrairement à l’image que véhiculent ses adversaires d’un rhéteur inspiré, déconnecté du réel, Barack Obama s’impose d’abord par sa capacité à faire prévaloir le pragmatisme sur l’idéologie. Pour si insuffisantes qu’elles puissent paraître au regard du système en vigueur dans notre pays, les améliorations apportées, lorsqu’il n’était que sénateur de l’Ilinois, sur la question de la peine de mort, en donnent une illustration claire . Au-delà des sujets, ce qui est essentiel ici, c’est la capacité à passer des compromis pour aboutir à des progrès, même limités, plutôt qu’à tenir des discours intransigeants qui ne déboucheront sur aucune avancée réelle – une voie dont le projet de réforme du système de santé porté par Hillary Clinton en 1994 reste un exemple-type. Or cette capacité à élaborer des compromis est plus décisive encore dans le système institutionnel américain, dans lequel bien peu de réformes sont en réalité possibles sans un minimum d’accord bipartisan .

Un autre élément-clé pour saisir la portée du nouveau modèle incarné par Obama est l’approche de la question de l’identité. Au rebours de la dominante sécuritaire défendue tant par les conservateurs américains que par nombre de responsables politiques au sein des démocraties occidentales, ce que propose le candidat démocrate sur ce thème – que l’importance de l’immigration clandestine rend, aux Etats-Unis, particulièrement sensible –, ce n’est pas un traitement statique, mais une approche dynamique. Ce qui compte aux yeux d’Obama, ce n’est pas tant l’ancrage historique ou les origines ethniques que la remise en mouvement de la société qui doit permettre de retrouver le rôle intégrateur qui a fait la force de l’Amérique par le passé.

"Lead by the example"

La capacité d’Obama à proposer des compromis et à mettre en mouvement la question de l’identité aurait pourtant une portée limitée sans un style personnel qui donne force et cohérence à l’ensemble. Il y a d’abord ce qui vient de sa génération : jeune, Obama apporte, presque en lui-même, un regard neuf sur des questions qui, bien qu’anciennes, n’ont pas pour autant été dénouées – l’exemple le plus spectaculaire étant bien sûr celui de la question raciale si justement mise en lumière et en perspective par le sénateur de l’Illinois dans le discours qu’il a prononcé le 18 mars dernier à Philadelphie.

L’approche du changement comme dynamique à construire plutôt que comme programme clé en main entre également dans ce cadre. Loin d’une promesse d’assistance indéfinie, elle ne va pas – c’est l’apport essentiel de l’Amérique à toute sensibilité progressiste – sans un appel vibrant à la responsabilité pour que chacun trouve l’énergie de prendre sa destinée en main. C’est à tort, là encore, que l’on fait parfois d’Obama une sorte de prêcheur envoûtant les foules : le charisme est bien là, mais sa générosité consiste bien davantage à inspirer ou à inciter qu’elle n’est de l’ordre de la promesse – ou, si promesse il y a, il revient bien à chacun de contribuer à la réaliser.

C’est, au fond, un modèle équilibré de leadership qui se dessine sous nos yeux, à la fois convaincu et posé, ambitieux et humble. Sa vertu cardinale, c’est l’exemple. « Lead by the example », diriger en montrant l’exemple : c’est d’ailleurs ainsi que les Américains caractérisent cette dimension essentielle de tout leadership et que le parcours d’Obama, de ses origines mélangées à ses études brillantes, de son engagement de terrain à ses premiers combats, donne à voir avec tant de force et d’entraînement.

Au-delà de l'Amérique, que peut apporter ce nouveau modèle au monde ? Et que nous dit-il sur la France ?

18/03/2008

Michelle, l'atout coeur d'Obama (1) Cherchez la femme...

Vous pouvez également retrouver ce papier à la une de paperblog (bouton ci-contre) dans la sélection "Voyages".

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Cherchez la femme ? Même si l'idéologie du politically correct ne permet pas toujours de la poser telle quelle, la question se pose en filigrane derrière tout candidat à l'élection présidentielle américaine. L'épouse de Mitt Romney ? On l'a oublié tellement l'image de la personne s'effaçait derrière la caricature de la fonction, et l'épouse comme il sied derrière la banlieue comme il faut. La femme d'Huckabee ? Une créature encombrante vu son empressement à coller son mari à la poindre occasion médiatique sans la moindre valeur ajoutée apparente, l'air généralement aussi ahurie que son mari paraît débonnaire et drôle.

Mme McCain ? Quoiqu'aussi silencieuse que ses consoeurs républicaines, Cindy McCain est plutôt jolie femme, et semble avoir le caractère, ferme, de son allure, élégante. Quoique Bill se démène sur les estrades électorales aux quatre coins du pays pour donner du coeur à la campagne de sa compagne, la problématique s'inverse naturellement avec Hillary qui, malgré ses propres efforts, apparaît toujours comme une femme froidement déterminée et calculatrice (a "monster" confessait récemment Samantha Power), portée davantage par la dynamique dynastique que par la volonté populaire.

Et Michelle Obama, alors ?

Il fallait voir, l'autre soir, la compagne du sénateur de l'Illinois faire campagne à Villanova, Pennsylvanie, dans un discours retransmis par C-SPAN, la chaîne publique dédiée à la politique. Un seul coup d'oeil suffit, à vrai dire, pour valider le jugement de la vieille dame distinguée rencontrée la veille de la primaire dans l'Ohio, au coeur d'un quartier historique de Columbus, avec son petit badge "Obama 2008" fièrement arboré, en promenant son nouveau chien, Noodles. - " Obama ? Bien sûr, c'est un très bon candidat. Mais vous savez, il a surtout une femme exceptionnelle...".

Quel discours ! Convaincu, enlevé, imposant à l'assemblée la force, l'évidence même de son propos dans un pays à la peine sur le plan économique et social et qui souffre, plus qu'il ne veut le dire, de ses divisions raciales. La barre fixée à Barack Obama pour être reconnu comme un candidat valable n'a cessé, a commencé par rappeler l'épouse du sénateur, d'être rehaussée au fur et à mesure de ses succès. Pas assez connu, a-t-on dit tout d'abord. Pas assez d'argent pour concourir, a-t-on vite enchaîné après le développement fulgurant de sa notoriété. Et avant qu'il ne batte bientôt des records dans ce domaine grâce aux millions de dons modestes accumulés au cours de sa campagne.

Sans doute, ont alors rétorqué les partisans d'Hillary Clinton forts de leur contrôle de l'appareil démocrate, mais cet homme-là ne peut prétendre sérieusement à la victoire sans s'appuyer sur une organisation digne de ce nom... Ce fut bientôt chose faite avec le succès spectaculaire remporté par Barack Obama dans l'Iowa, puis les succès suivants, notamment en Caroline du Sud. Oui, mais Obama réussit mieux dans les Etats noirs, a-t-on encore souligné - juste avant qu'il ne remporte haut la main nombre d'Etats blancs.

Ce n'est pas tout de remporter des Etats, il faut une stature nationale, voire internationale a-t-on enfin entendu. Et le sénateur de l'Illinois d'imposer à nouveau son charisme tranquille dans ces domaines difficiles, obligeant même Hillary Clinton par défaut, en opposant le discernement à l'expérience, à reconnaître publiquement lors du débat les opposant sur MSNBC son regret d'avoir voté la guerre en Irak.

- Et il faudrait attendre ? reprend Michelle Obama à la tribune. Mais attendre... pour quoi au juste ?

05/01/2008

Le "Big Mo" de Barack

Vous avez vu ça ? Ou plutôt, vous avez entendu Barack Obama, hier soir, dans l'allocution qui a suivi sa victoire dans le caucus de l'Iowa ? Il se passe quelque chose d'historique ici. C'est aussi le sentiment de Jack Cafferty, l'analyste politique de référence de CNN. On sent une vibration que l'on ne retrouve pas dans les meetings des autres candidats démocrates, quelque chose d'électrique qui rappelle, d'une façon tout de même moins érotisée, le clip de la Obama Girl, Amber Lee Ettinger, I Got A Crush On Obama, qui figurait l'an dernier parmi les dix videos les plus regardées sur YouTube.

Comme toujours, le charisme introduit un biais et, à exagérer son importance, on risque de manquer les fondamentaux : expérience démontrée, puissance financière, professionnalisation des équipes, sondages nationaux, importance sans commune mesure d'autres Etats... etc, qui font que Clinton et Giuliani apparaissent parfaitement sereins aujourd'hui, après un résultat qu'ils ne jugent pas significatif (Hilary se félicite de la dynamique démocrate, tandis que dans le camp de Rudy on ironise sur la portée du vote de Des Moines). Dans le cas de Barack Obama, n'oublions pas cependant que ce charisme était, en soi, un enjeu après la relative déception qui avait fait suite à ses débuts prometteurs lors de la convention démocrate de 2004.

Certes, l'Iowa ne fait pas plus le président aux Etats-Unis que la Creuse ne le fait en France. Justement, pourrait-on cependant rétorquer : si l'Amérique profonde commence à s'y mettre, à lancer cette dynamique-là - le Big Mo disent les Américains -, à mettre en orbite un Afro-Américain, alors tout est possible. Surtout - et c'était bien là le message électoral essentiel du candidat démocrate hier - si le New Hampshire confirme ce résultat le 8 janvier, ce qui donnera alors un signal puissant et crédible à l'importante communauté afro-américaine de Caroline du Sud, un enjeu clair pour l'élection tant l'attitude de cette communauté à l'égard d'Obama est, pour l'heure, très partagée.

Pour l'heure, Obama est porté par un important courant constitué notamment des jeunes, des électeurs indépendants et même des femmes alors qu'Hilary Clinton avait porté ses efforts en particulier sur ce groupe. Même erreur que Ségolène Royal en 2007, alors qu'Obama se garde bien de son côté d'apparaître comme le porte-parole de la communauté noire ? Il est trop tôt pour le dire et, encore une fois, ce scrutin, qui ne vaut que comme signe, est très loin de revêtir une quelconque importance quantitative dans l'élection.

Ce qui reste fascinant, c'est combien l'Amérique est simultanément ancrée dans sa tradition conservatrice, qui fait la percée du pasteur Huckabee dans le même scrutin, et travaillée par la question du changement, qui porte si fort Obama contre Washington - entendez les mauvaises habitudes institutionnelles et autres querelles partisanes. Au terme des deux mandats de George Bush et pour des raisons naturellement différentes, l'Amérique républicaine et l'Amérique démocrate donnent le sentiment, comment dire, d'avoir perdu du temps, gaspillé des ressources, manqué quelque chose.

Et cela, cet appétit de retrouver les chemins de la fierté et du progrès, revient en force aujourd'hui. Quelle qu'en soit l'issue, puisse Obama ne pas finir assassiné dans cette aventure car, après tout, dans l'histoire politique américaine, le tragique n'est jamais très loin de l'épopée.